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Dans L'intimité du oui



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    Jour après jour, dans ma pratique de psychothérapeute, je me suis confronté à la complexité de notre monde psychologique ; aux problèmes et aux souffrances qui en découlent.

    Cette complexité s'est peu à peu réduite à cette simple question :

    " est ce que je dis oui ou est ce que je dis non à ce qui se passe en moi, ici et maintenant ?"

    Le fait de dire oui remet fondamentalement en question la représentation que nous nous faisons de nous-mêmes ; jusqu'à opérer un changement radical, une révolution dans notre identité.

    Mon travail de thérapeute et mon expérience personnelle de chercheur me font mesurer la difficulté d'entrer en contact avec nous-mêmes…

    Nous nous engageons dans divers processus de développement personnel : de thérapies, d'analyse et de méditations, pour être bien dans notre peau, être heureux et en paix avec nous mêmes ; sans toujours y parvenir.

    Certains dialoguent véritablement avec eux mêmes ; ils évoluent, grandissent et s'ouvrent à d'autres dimensions.

    D'autres sont en conflit avec eux mêmes ; ils sont coupés de ce qu'ils sentent ; ils ne s'aiment pas ; ils restent enfermés dans le petit monde de leurs émotions et de leurs pensées. Leur attitude de base envers eux-mêmes est négative.

    Ceux dont la thérapie échoue, ceux qui ne changent pas, sont ceux qui continuent, généralement à leur insu, de dire non à ce qu'ils sont. L'assistance d'un thérapeute devient nécessaire pour apprendre à dialoguer avec soi et défaire un à un les nœuds créés par les refus.

    Le "non" crée la division ; nos souffrances psychologiques et nos problèmes sont le résultat de cette division : quand elle disparaît, tous les problèmes disparaissent. Le "non" est l'unique cause de nos souffrances. Il nous isole ; il crée la séparation qui paradoxalement nous identifie à ce que nous refusons.

    Voici la découverte et la conclusion de 20 années de travail : notre seul problème est de ne pas dire oui à ce que nous sommes.

    Chaque fois qu'en tant que thérapeute, je me suis senti mal ou fatigué pendant ou après une séance, j'ai pu voir que je m'étais laissé prendre dans une attitude négative de mon client. Je ne l'avais pas décelée car j'étais moi même, en miroir, prisonnier d'un jugement porté sur moi même.

    L'expansion de la conscience.

    Faites une expérience : fermez les yeux un instant. Répétez "oui" pas seulement le mot mais l'intention. Observez l'effet sur votre respiration, sur l'espace intérieur. Faites pareil avec "non". Notez les différences.

    Dans le oui, la conscience s'élargit, l'énergie est en expansion, elle s'étend au delà des limites du moi. Dans le non, il y a contraction ; le sentiment : "Je suis moi" est renforcé. Le non enferme ; il isole ; il est au service de l'ego c'est à dire du sentiment de séparation.

    Voici ce que j'observe au moment où le client dit oui : à l'instant précis où il dit oui à ce qu'il sent, à ce qu'il pense, à ce qu'il est, il change : le corps se détend, la respiration s'ouvre, la tension intérieure se relâche, l'espace en lui et autour de lui s'agrandit. Il devient beau, léger, lumineux presque transparent.

    L'énergie de l'inconscient retenue dans le ventre se libère, elle monte vers le cœur, vers la gorge ou vers le sommet de la tête. Le bas est comme aspiré vers le haut créant un mouvement d'énergie ascendant qui s'étends au delà des limites du corps. A cet instant il n'est plus enfermé dans son monde, il est relié.

    Ce mouvement d'expansion de la conscience-énergie est ressenti comme : satisfaction d'avoir compris, plaisir, joie, paix, harmonie, sentiment d'unité… Au delà d'une certaine intensité cela peut aller jusqu'à une sensation orgasmique ou d'extase.

    Le client, le plus souvent ne reconnaît pas la valeur de cet instant. Il en minimise l'importance car ce n'est pas ce qu'il a désiré. Il a une certaine idée de ce qui doit se passer : Il veut changer ; il veut devenir quelqu'un d'autre ; il voudrait être assuré de ne plus souffrir

    Revenons au oui. Regardons à la loupe ce qui se passe à cet instant précis. Au moment où je commence à entrer dans ce que j'ai jusque là refusé (un ressenti douloureux ou une image négative de moi même) mon espace intérieur semble se resserrer, se rétrécir, se limiter. A l'instant où j'entre dans la peur, la colère ou la confusion, j'ai l'impression de n'être que cela.

    C'est paradoxalement dans l'acceptation de cette limite que la peur, la colère ou la confusion vont se transformer.

    Je suis tellement focalisé sur la forme, hypnotisé par elle, (sa force hypnotique est celle de l'énergie que j'ai mise à la rejeter hors de moi-même) que je ne vois pas ce qui se passe en arrière plan : le fond commence à absorber la forme.

    A l'instant où j'y entre, elle sort de moi ; à mon insu ! Ce qui est observé se dissout dans la conscience de l'observation. L'énergie captive dans l'objet se libère et vient agrandir encore l'espace de la conscience.

    La conscience s'incarne, la matière vivante se sublime

    Il y a donc deux mouvements simultanés dont l'un est l'envers de l'autre :

    1. La conscience entre dans une forme limitée ; elle y traverse la souffrance de ce rétrécissement.

    2. La forme se dissout et s'étend dans la conscience sans forme.

    Dans ce double mouvement : la conscience s'incarne, la matière vivante se sublime.

    Ce qui est en bas devient ce qui est en haut. Ce qui est en haut devient ce qui est en bas. Le bas est le haut s'alignent et se rejoignent, et s'unissent en un pilier de lumière.

    Peut être est-ce le sens du symbole de l'incarnation et de la rédemption : Le divin en choisissant la limitation de l'incarnation, sauve l'humain et parfait sa divinité.

    Reprenons l'exemple de la peur pour comprendre ce que veut dire lâcher prise. On peut dire la même chose du manque, de l'ennui, de la frustration etc… ou de toute image négative (ou positive) de moi même ou des autres.

    Le but n'est pas d'en finir avec la peur, mais de la connaître. Plus généralement, Il ne s'agit pas de remplacer des émotions et pensées négatives par des positives, mais d'amener la lumière de l'attention sur l'émotion ou la pensée négative pour la comprendre.

    Ce n'est pas un processus intellectuel ; ce n'est pas saisir la peur avec des mots ou la cerner avec des pensées. Quand nous pensons à ce que nous ressentons, nous avons l'impression d'aller quelque part. Ces pensées sont en réalité des voies sans issue ; elles nous détournent de l'expérience immédiate.

    Pour connaître la peur, je dois la ressentir ; simplement sentir, sans rien faire d'autre. C'est le plus difficile : rester avec… rester dans le ressenti ; sans laisser les pensées interférer ; jusqu'à devenir la peur.

    D'ordinaire on ne voit pas directement mais à travers le prisme des pensées. On regarde ce qui est à travers l'idée de ce que cela devrait être. La pensée tient à distance, elle reste à l'extérieur ; la vision claire n'interpose rien ; elle devient l'objet, elle se fond en lui ; la frontière moi non moi s'efface.

    J'entre en conscience dans ma peur comme une main entre dans un gant bien réel ; quand j'en ressort et la retire le gant, retourné, s'est vidé de sa substance laissant apparaître sa nature illusoire.

    Me dire "ma peur est une illusion" n'aurait rien changé ; pour le réaliser vraiment je dois entrer la main dedans et la ressortir, m'identifier et me désidentifier. Dans ce double mouvement la croyance en la réalité de la peur se défait. Le courant de conscience qui lui conférait un statut séparé cesse de l'alimenter.

    Comprendre ne veut pas dire saisir mais lâcher.

    Lâcher prise ; ce n'est pas un acte mais la cessation d'un acte : ne plus retenir. Ce n'est pas faire, mais défaire ; plus précisément ce n'est pas l'intention de défaire mais l'abandon de toute intention.

    Dans ce retrait, dans ce non engagement : Le dehors et le dedans s'inversent et se rejoignent ; le monde se défait et nous nous retrouvons à la source de nos créations. Libre.

    Agir, vouloir, penser, c'est aller vers l'extérieur ; lâcher prise est le mouvement exactement inverse ; dans ce recul, l'espace de la conscience s'ouvre et l'on peut voir.

    Se reconnaître dans l'espace du vide.

    La transformation est difficile à reconnaître ; car elle ne se produit pas sur le plan où on l'attend.

    Le changement n'est pas une amélioration, mais une mutation, un saut qualitatif. Ce n'est pas la résolution du problème mais l'accès à un plan où le problème n'existe pas, en fait n'a jamais existé. Ce n'est pas une réponse à la question mais la dissolution de la question.

    Au moment où je dis oui, l'espace d'un instant, je suis dans une autre dimension : la peur, la colère ou la confusion dans lesquelles je me reconnaissais ont disparu ; sans laisser de trace. Rien de tangible à quoi je puisse me raccrocher ; aucun endroit où je puisse "me" retrouver. Je suis dans un vide, une sorte de no-man's land, perdu, au milieu de nulle part…

    … Jusqu'à ce que je reconnaisse que ce vide, c'est moi.

    J'ai du mal à me reconnaître dans un espace où je ne retrouve pas la forme qui me sert d'identité.

    Lorsque j'accepte de perdre ma forme, cet espace, me devient étrangement familier. Inconnu et pourtant si proche ; plus près que mes sentiments ou mes pensées. Ce silence est mon centre le plus intime ; "mes" sentiments, "mes" pensées ne sont qu'à la périphérie. Cet espace est celui de la liberté.

    Il m'a fallu personnellement du temps et la fréquentation d'un maître spirituel, d'un être réalisé, pour en apprécier la nature. En présence d'un être éveillé on entre spontanément dans un espace de silence, où la conscience est en expansion. Cet état est exactement celui où l'on se retrouve au moment où l'on dit oui. (Sa présence n'est peut être qu'un oui sans limites).

    Les expressions "se connaître soi-même" ou "s'aimer soi-même" sont trompeuses. Elles supposent l'existence de quelque chose de solide et de permanent avec lequel nous entrons en relation. La seule chose fixe rencontrée est notre refus de ce qui change. Ce que nous avions pris pour nous n'est que notre résistance à nous mêmes.

    Nous nous voyons comme une entité fixe et fermée alors qu'au fond de nous tout est mouvant et ouvert : les sentiments contradictoires se succèdent et les flux d'énergie se croisent et se mêlent ; ils sont reliés au grands mouvements collectifs dans lesquels nous baignons sans en avoir conscience. La musique en donne une image plus vraie que la philosophie.

    Notre vieille identité était une fausse identité, empruntée : nous ne nous connaissons qu'à travers les yeux des autres ; ce que nous ressentons de plus personnel, est encore conditionné par le regard de l'autre, à un degré difficile à concevoir. Le voyage au cœur de nous mêmes est vertigineux ; après avoir traversé successivement toute les couches de ces conditionnements, nous (re) trouvons notre vrai visage. Le Zen l'appelle : "le visage que nous avions avant la naissance" ou : "le son d'une main qui applaudit"…

    Psychothérapie et méditation.

    L'instant où l'on dit oui est un instant d'éveil. Il n'appartient pas au plan psychologique mais à celui de l'Être. Il n'appartient pas au temps mais à l'éternité. Cet instant est le centre de la croix : la dimension verticale de l'éternité y rencontre la dimension horizontale du temps.

    A cet instant, nous sommes transportés dans une autre dimension. Nous sommes en dehors du rêve et nous pouvons réellement Voir.

    Précisons en quoi différent l'approche de la psychothérapie et celle de la méditation et comment elles peuvent être complémentaires. Le mot méditation ne désigne pas ici les techniques de méditation mais l'espace de la méditation : ce silence qui est le cœur de nous mêmes.

    L'approche de la psychothérapie est plus orientée vers la compréhension du passé. Elle suit les associations d'idées, remonte à la source des symptômes, retrace l'enchaînement des d'affects qui se répètent du passé dans le présent. Elle aide à se libérer de son passé en le revivant et en complétant ce qui n'a pas été terminé. Elle reste centrée sur l'exploration du plan psychologique ou mental.

    Faire face au tigre ou se réveiller

    L'approche de la méditation est plus radicale. Elle est centrée sur le présent. Elle ne s'intéresse pas à la figure mais au fond. Elle ne s'attache pas aux événements psychologiques (sensations corporelles, émotions, pensées) mais à ce qui est au delà : l'espace entre les pensées.

    En apprenant à reconnaître ces instants, on peut revenir de la périphérie vers le centre, passer du plan mental à celui de la conscience. Il ne s'agit pas ici de comprendre le tigre qui m'attaque dans un cauchemar, ni même de lui faire face, mais de simplement me réveiller.

    En thérapie, je vais revivre ma peur, entrer dans mon passé et me libérer de cette charge émotionnelle.

    En méditation, je vais cesser de prendre ma peur au sérieux, cesser de m'identifier à elle ; en lui donnant du jeu, elle se fluidifie et l'énergie peut circuler librement dans le présent.

    Les deux démarches ont un point en commun : ce point est le véritable processus de changement. Dans la méditation il est atteint directement dans la thérapie indirectement ; c'est le moment de prise de conscience ; il passe ou non par le plan mental.

    Dans la prise de conscience il y a, ne serais-ce qu'un instant, accès au plan de l'être ; on entre dans cet espace de silence irréductible au plan psychologique, transcendant. Autrement on ne ferait que tourner en rond dans le labyrinthe du psychologique et de son analyse : une émotion renvoyant à une autre, une pensée à une autre, indéfiniment.

    Ce qui fait sortir de l'enchaînement de la répétition et se libérer des schémas douloureux du passé, c'est le passage, même de courte durée, dans plan de la méditation, ce plan où la conscience est en état d'expansion. La transformation se passe toujours sur ce plan ; qu'il soit, ou ne soit pas reconnu comme tel par le client ou le thérapeute.

    Il me semble important que le psychothérapeute apprenne à percevoir et reconnaître ces moments d'ouverture de la conscience où le client émerge du psychologique, pour l'aider à lâcher son passé et prendre pied dans le présent.

    Nous manquons le présent car nous croyons au passé

    Je suis, ici et maintenant, totalement libre de mon passé.

    De nombreuses personnes, engagées dans une thérapie ont tendance à penser que nos souffrances actuelles proviennent de notre passé. Cette croyance est l'effet d'un rétrécissement de la vision au seul plan psychologique.

    Nos problèmes ne viennent pas du passé mais notre relation à ce qui se passe en nous dans l'instant présent. Nous manquons le présent car nous croyons au passé ; nous ne regardons pas dans la bonne direction ; nous oublions cette évidence : seul le présent existe.

    L'idée d'aller chercher dans le passé la cause de mon mal être présent est une illusion. L'image d'un passé qui nous détermine est notre excuse et notre alibi ; elle nous place en position de victime. Elle nous fait éviter notre responsabilité.

    La cause de ma souffrance est à rechercher dans le présent ; elle est la conséquence d'un refus ; celui-ci est toujours ici et maintenant.

    L'accumulation des refus, des sentiments que nous avons rejetés dans le passé, nous fait projeter devant nous l'image d'un futur différent. Le pouvoir hypnotique de ce futur, qu'il soit craint ou désiré, nous détourne du seul endroit possible de transformation : l'instant présent.

    Je suis totalement responsable de ce que je suis ici et maintenant.

    Ceci est souvent mal compris ; cela veut dire : je suis totalement responsable de ce que j'en fait. Cela ne veut pas dire que j'en suis le créateur : j'ai hérité d'une part d'inconscience qui m'a été transmise ; elle existait avant moi dans l'inconscient de mes parents, de ma lignée, dans l'inconscient collectif. Cela fait partie de la condition humaine ; je n'ai pas à m'en sentir coupable.

    1. Ce n'est pas ma faute si j'ai eu des parents comme ceci ou comme cela.

    2. Ce n'est pas la faute de mes parents si je suis comme ceci ou comme cela.

    3. C'est, aujourd'hui exclusivement et totalement ma responsabilité de continuer à être comme cela.

    Le présent n'est pas le résultat du passé ; le passé continue d'exister dans le présent parce que je continue de coopérer avec lui ; ma responsabilité est ici et maintenant.

    Où est le déterminisme où est la liberté ? Je n'ai pas le choix des cartes mais c'est moi qui joue ; Il m'appartient de faire au mieux avec les cartes reçues.

    Je n'ai pas le choix de ce qui m'arrive mais celui de ce que j'en fait ; je peux dire oui ou non. J'ai le choix d'être heureux avec ou pas. L'alchimie du oui dissout ce qui est négatif et renforce ce qui est positif.

    Je ne choisis pas d'avoir peur, d'avoir mal, d'être triste ou en colère. C'est le grand jeu des polarités : l'amour succède à la haine, la joie à la peine et la peine à la joie ; tout change et je ne peux garder la joie pour toujours et n'être plus jamais triste. Ce sont les deux pôles d'une même énergie. Ceci est le plan de la dualité.

    On ne peut pas empêcher la roue des contraires de tourner ; mais on peut revenir de la périphérie vers le centre ; l'axe est libre du mouvement de la roue.

    La base du triangle symbolise le plan la dualité ; le sommet celui de la transcendance. L'œil gauche et l'œil droit sont dans le jeu des contraires, le troisième œil est au delà, c'est le plan de la liberté. On peux passer d'un plan à l'autre ; en disant oui.

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  • Kalessa

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