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D'où viennent les maladies ?



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    D'où viennent les maladies ? Sont-elles dans la nature ?

    Sont-elles produites par le type de société dans lequel nous vivons ?

    Les maladies sont-elles inscrites dans notre destinée ou sont-elles le simple fait du hasard ?

    Des réponses différentes à ces questions ont engendré des conceptions également différentes de la santé.

    Ici, l'on dit : "La santé, c'est l'absence de maladie".

    En Chine, l'on dirait : "La santé se manifeste par la relation harmonieuse et équilibrée entre tous les éléments qui nous forment et qui nous relient avec tout ce qui existe".

    En occident, on lutte contre les maladies.

    En Chine, on entretient la santé.

    Cette constatation nous a amenés à rencontrer des médecins en Chine et à leur demander comment aujourd'hui ils conçoivent et exercent leur art. Leurs réponses nous parlent, et loin d'attirer une opposition entre ces deux conceptions de la médecine (occidentale et traditionnelle), elles nous ramènent chez nous, dans la simplicité et la spontanéité d'une relation humaine profonde, où tout semble retrouver un sens.

    Entrevue du Docteur SU LIAN

    Ancien directeur de l'institut de médecine traditionnelle chinoise du Yunnan. Aujourd'hui à la retraite, il continue cependant d'exercer son art dans plusieurs consultations d'hôpitaux ou de dispensaires. Réputé dans toute la Chine dans le domaine de la médecine interne, c'est un des meilleurs spécialistes des maladies du foie.

    Nous sommes ici dans la consultation externe d'un petit hôpital de médecine traditionnelle chinoise de Kunming. Le Docteur SU y donne sa consultation une journée par semaine. Depuis très tôt le matin, des patients venus de toute la région attendent sa visite.

    D'AMES & D'HOMMES : Dr SU, vous voyez beaucoup de malades tous les jours. Dans l'ensemble, à quelles maladies êtes-vous le plus souvent confronté ?
    Dr SU : Je suis spécialisé dans l'hépatite et les problèmes de foie. Actuellement, la médecine occidentale a peu de moyens efficaces pour les maladies du foie. Depuis 20 ans j'ai fait de nombreuses recherches dans ce domaine avec la médecine traditionnelle chinoise, qui s'avère ici pleine de ressources. Pour cela, les malades sont prêts à parcourir de longues distances pour me rencontrer. Il m'arrive aussi de traiter des problèmes plus généraux, de la pédiatrie, de la cancérologie…

    D'AMES & D'HOMMES : Comment les patients viennent-ils à vous ? Est-ce de leur propre choix, sont-ils envoyés par un centre, un autre médecin ?
    Dr SU : Nous sommes ici dans un hôpital où travaillent surtout des experts qualifiés pour des maladies précises. A l'entrée de l'hôpital, il y a des photos de chaque médecin, avec sa spécialité et son domaine expérience. Ainsi les malades viennent et choisissent eux-mêmes leur médecin, soit à la suite des conseils qu'ils ont pu avoir par leur entourage, soit simplement en consultant ce tableau et ils essaient de rencontrer le médecin qui leur paraît le plus approprié, soit par sa spécialité, soit par sa réputation.

    Par exemple, pour l'hépatite, nous sommes trois professeurs associés dans la même recherche. Ainsi, nous pouvons échanger nos résultats, concerter entre nous de nos orientations thérapeutiques…

    D'AMES & D'HOMMES : Quels sont les frais de consultation pour pouvoir rencontrer un professeur réputé comme vous ? Y a-t-il des différences selon la réputation du médecin, selon la richesse ou la pauvreté du patient ? Et pour les médicaments ?
    Dr SU : Les frais de consultations ne sont pas changés en fonction de la célébrité du médecin ! Ils restent à 2 yuan (1,30 FF) par consultation. Je suis classé "médecin expert de 1ère catégorie" du ministère de la santé. Pour cela je pourrais mettre ma consultation à 10 yuan (6,60 FF). Mais comme notre province reste assez pauvre, je m'adapte aux possibilités de la population. En médecine chinoise, on respecte beaucoup une chose, c'est la vertu. La vertu appelle ce qu'il y a de plus noble dans l'être humain.

    Pour le traitement qui utilise des plantes, le coût reste assez modeste. Si le patient n'a pas d'argent, comme ce paysan qui a marché deux jours pour venir, on lui offre la préparation de plantes. Ainsi le soin n'est pas empêché par des considérations de budget et le malade peut voir même un grand professeur sans se ruiner. Le plus important pour nous est de soigner les gens. L'argent n'est là que dans un deuxième temps.

    D'AMES & D'HOMMES : Comment se situe le médecin dans l'échelle sociale, a-t-il une place privilégiée
    Dr SU : Déjà, on ne peut pas dire que c'est un métier privilégié par rapport aux autres. Il n'y a pas de différence entre le médecin de médecine occidentale ou de médecine chinoise. Ils ont la même place dans la société. Le médecin aide les gens, il doit être généreux et savoir partager la difficulté de ses patients pour les aider. Les gens sentent bien tout cela et nous le montrent en respect et amitié. Par contre, le médecin, jusqu'à aujourd'hui, ne gagne pas beaucoup d'argent par rapport à d'autres professions plus commerciales. Sa place est privilégiée dans le sens où il est apprécié et respecté.

    D'AMES & D'HOMMES : Dr SU, vous exercez votre art dans des conditions très modestes (il n'y a pas ici d'éléments extérieurs qui manifeste votre célébrité, votre bureau est comme tous les autres bureaux de n'importe quel hôpital chinois, réduit à une simplicité extrême). Quelle est votre relation avec la maladie, sentez-vous un décalage entre vos conditions de vie et votre réputation ?
    Dr SU : Il est certain qu'ici les conditions matérielles ne sont pas comparables à celles des pays occidentaux. Je connais bien cette question, ayant séjourné en Espagne six mois pour y créer une école-dispensaire de médecine traditionnelle chinoise. J'ai aussi visité la France, l'Italie…

    En Chine, beaucoup de progrès ont été effectués ces dernières années, pour l'hygiène, la modernisation des installations… Nous sommes encore loin du niveau de vie des occidentaux. Mais pourquoi un bureau luxueux avec des signes de richesses ? Je me sens bien ici, proche de mes patients et de la vie quotidienne. Je sens aussi que je donne une partie essentielle de ma vie pour aider les malades. Je pense que là est la vraie place du médecin, tout proche de ses malades. Ma vraie récompense est de voir un patient soulagé ou guérir, non pas d'avoir gagné tant dans ma journée, puisque je sais que mon travail me rapporte de quoi me nourrir et nourrir ma famille. En Chine, la relation médecin-malade me semble plus sincère et confiante que ce que j'ai pu observer dans les hôpitaux et dispensaires en occident, bien que j'ai vu beaucoup de médecins en occident se consacrer très sincèrement à leur travail et donner beaucoup aux patients. Je parle au sens général de la relation entre le médecin et le patient. Elle me paraît plus simple et plus directe en Chine. Souvent les patients viennent me revoir, même longtemps après leur maladie, ils m'écrivent ou m'attendent après les consultations, pour me raconter comment ils s'en sont sortis, pour me remercier de les avoir aidés à traverser ce moment difficile, même si parfois la traversée est plus longue et plus difficile que prévu !

    C'est vraiment ce que j'apprécie, la sincérité de la relation où l'on parle ouvertement des questions qui touchent le patient.

    D'AMES & D'HOMMES : Dr SU, quelles sont, en Chine, les places respectives de la médecine occidentale et de la médecine traditionnelle chinoise ?
    Dr SU : Pour moi, ces deux médecines sont également importantes. Chacune d'elles a ses avantages et ses inconvénients, l'on pourrait dire ses indications et ses limites. La médecine chinoise joue un rôle plus important dans le domaine de la prévention, dans la notion du traitement global d'un symptôme, de la régularisation des diverses fonctions les unes par rapport aux autres, en considérant de manière dynamique les relations entre les tissus, les organes, les systèmes de circulation, de répartition et de distribution de l'énergie, mais aussi des liquides, du sang…

    Personnellement, j'ai étudié les deux types de médecine. J'ai d'abord étudié 7 ans la médecine chinoise, puis 9 ans la médecine occidentale. Il m'a été ainsi possible de comprendre leurs intérêts respectifs avec des critères objectifs de pratique quotidienne.

    Ce qui différencie aussi ces deux médecines, est que la médecine occidentale est relativement récente dans sa pratique. On peut dire qu'elle utilise des connaissances et des traitements qui ont été mis au point au 19ème ou au 20ème siècle. La médecine chinoise remonte, elle, a plus de 5000 ans, et a connu une évolution constante depuis ses origines. Elle a développé plusieurs techniques : l'acupuncture, les plantes médicinales, le massage et la gymnastique (le Qi Gong), qui permettent d'adapter le traitement aux différentes maladies. Surtout, la médecine chinoise apprend aux gens à renforcer leur terrain et à diminuer les risques d'apparition des symptômes, par l'équilibre de vie, la régularisation du corps, des émotions, l'alimentation adaptée. On essaie toujours de limiter l'intervention médicale au minimum.

    Bien sûr, la médecine chinoise a elle aussi ses limites devant la maladie : notamment certaines affections graves des maladies infectieuses aiguës, tout ce qui relève directement de la chirurgie… cas pour lesquels la médecine occidentale peut offrir des traitements efficaces et rapides. Ces deux médecines, loin d'être opposées, doivent maintenant s'associer pour constituer un ensemble harmonieux basé sur la recherche du meilleur résultat pour le minimum de contraintes thérapeutiques. Il est certain qu'une bonne coopération entre ces techniques et ces conceptions différentes permettrait d'élargir l'efficacité du système de santé tout en réduisant le coût des traitements.

    Entrevue du Docteur DU 

    Le Docteur DU est médecin traditionnel dans la petite ville de Dali (Yunnan). Il donne sa consultation en pleine rue, juste devant la pharmacie.

    D'AMES & D'HOMMES : Comment exercez-vous votre métier de médecin dans la ville de Dali, comment êtes-vous venu à la médecine chinoise ?
    Dr DU : Je suis né ici à Dali, et de génération en génération, notre famille a toujours pratiqué la médecine chinoise. A la fin de la dynastie des Qin (fin du 19ème siècle), on appelait le cabinet médical le "palais de charité". Cela montrait l'aspect d'offrande inclue dans l'acte médical. Depuis mon enfance, j'ai été imprégné dans cette médecine. Mon père m'a donné une formation traditionnelle. Entre 20 et 25 ans, j'ai suivi les cours a l'institut de médecine traditionnelle du Yunnan. J'ai également beaucoup pratiqué les techniques de santé du Qi Gong (gymnastique thérapeutique chinoise), avec plusieurs maîtres enseignant dans les montagnes sacrées (comme la montagne de Ji Zhou). Toutes ces techniques enseignent l'art de préserver la santé et de donner la longue vie. L'influence du Bouddhisme dans notre région a développé l'idée de vertu, d'ouverture du cœur à son prochain. Le Taoïsme nous a appris à suivre l'évolution naturelle des choses et des êtres et à nous adapter au mieux à nos conditions d'existence. Toutes ces méthodes du Qi Gong, je les utilise également dans mes soins avec l'acupuncture, le massage et les plantes médicinales.

    J'ai également mis au point ma propre méthode de Qi Gong que j'enseigne à mes malades, en l'associant avec le traitement, ce qui en augmente l'efficacité et permet d'en prolonger les effets, avec l'avantage que le patient participe directement à son évolution. Cela permet également de diminuer les traitements en intensité et en durée, ce qui est aussi un avantage non négligeable.

    Je choisis les techniques de traitement selon les maladies, et les plantes médicinales y ont une grande part. J'utilise aussi les techniques traditionnelles comme les ventouses, les pierres que l'on frotte sur la peau, les cataplasmes… Toutes ces techniques traditionnelles m'apportent de très bons résultats.

    D'AMES & D'HOMMES : Vous exercez la médecine dans cette petite ville, en pleine Chine. Comment considérez-vous ce métier, quelles relations entretenez-vous avec les patients ?
    Dr DU : La médecine traditionnelle est imprégnée dans la vie des gens ici, surtout pour les personnes âgées et les femmes pour les problèmes gynécologiques, qui préfèrent ce genre de traitement. Les patients viennent me voir par le bouche à oreille : Ils parlent entre eux et savent bien ce que l'on peut leur apporter. Notre famille de médecins est bien connue à Dali. Je suis aimé et respecté, il y a un échange et une communication avec chacun ; je me sens vraiment utile.

    Dans la tradition chinoise, le médecin a toujours été bien considéré, mais ce n'est pas pour autant qu'il est privilégié. C'est plus une reconnaissance.

    D'AMES & D'HOMMES : Quelles sont les maladies que vous rencontrez le plus, quels traitements appliquez-vous ?
    Dr DU : Je vois beaucoup de pathologies différentes, des troubles légers aux troubles profonds. J'ai de très bons résultats sur l'hémiplégie, sur certaines formes de diabète, les hémorroïdes, tous les problèmes digestifs mais particulièrement l'ulcère gastrique. J'utilise les plantes classiques de la pharmacopée chinoise, mais aussi un certain nombre d'ordonnances "secrètes", transmises de génération en génération dans la famille.

    Pour les problèmes gynécologiques, dysménorrhées, règles douloureuses, pour la contraception, j'ai aussi des ordonnances de plantes spécifiques.

    Je choisis les traitements selon les circonstances, et aussi selon les différentes périodes d'une même maladie. Par exemple, pour traiter l'hémiplégie, au début l'acupuncture est plus efficace, en l'associant avec un traitement de médecine occidentale pour libérer le sang et l'énergie au niveau du cerveau. C'est le traitement d'urgence. Dans un deuxième temps, on associe le massage, le Qi Gong et l'acupuncture. Dans la période de stabilisation, on utilise ensuite les plantes et les Qi Gong. Le choix des techniques varie selon donc selon la phase de la maladie.

    D'AMES & D'HOMMES : Docteur DU, vous exercez la médecine chinoise depuis longtemps, vous avez déjà accumulé une bonne expérience dans ce domaine. Quels conseils pourriez-vous nous donner pour que les gens puissent vivre mieux, dans la bonne santé ?
    Dr DU : Je pense que c'est toute une notion du corps, qui appartient à la médecine chinoise. Cette notion doit être enseignée dès l'enfance : il faut prendre conscience de l'importance de la santé, de l'entretien du corps, essayer de prévenir les problèmes qui peuvent subvenir plus tard, à l'âge adulte. Il faut essayer de trouver la vie équilibrée en fonction de son âge. Pour les personnes retraitées, cela est aussi très important : comment peut-on vivre mieux la vieillesse ? C'est vraiment une notion de prévention et d'équilibre de vie, qui se prépare longtemps à l'avance.

    La médecine chinoise dit : Si l'énergie vitale est suffisamment forte, l'énergie perverse (négative) ne peut pénétrer à l'intérieur du corps. Ainsi les maladies sont repoussées. Comment entretenir cette énergie vitale (originelle) ? C'est tout l'ensemble des techniques de prévention, de "longue vie", développées par la médecine chinoise, avec les exercices de gymnastiques (DAOYIN), de respiration (TUNA), la diététique, l'équilibre des émotions et des pensées…

    Régulariser les émotions est un élément très important de la prévention : De nombreux problèmes de santé, comme les maladies cardio-vasculaires, l'hypertension, les troubles de la prostate, le diabète…, peuvent être reliés avec des déséquilibres ou des blocages d'émotions. Les prévenir est un principe essentiel de la médecine chinoise. Pour cela, elle utilise l'énergie vitale pour tenir à distance les facteurs pathogènes externes, et elle régularise le corps, les émotions, les pensées, pour que l'énergie et les fluides circulent librement en nous.

    L'alimentation joue aussi un grand rôle, car c'est elle qui fournit au corps toute la "matière première" à partir de laquelle on va élaborer tout ce dont nous avons besoin. Là aussi c'est encore de la prévention : si le corps est bien nourri, quantitativement et qualitativement, la vitalité est renforcée.

    Un proverbe connu dit : "Le bon médecin ne soigne pas les maladies, mais il les empêche d'apparaître".

    Le médecin doit aussi inspirer confiance à son patient. A travers l'interrogatoire, l'auscultation…, le diagnostic va se former, mais c'est aussi toute la relation médecin-malade qui se noue, et c'est alors très important alors de savoir écouter le patient, de gagner sa confiance. On a bien remarqué en clinique, que si le patient a vraiment confiance dans le médecin, dans son traitement, l'efficacité est bien meilleure. Dans la médecine chinoise, le contact avec son patient, le lien de confiance sont très importants. On prend le temps de parler avec le patient, de lui donner des conseils, de lui expliquer les causes de sa maladie… De la consultation doit se dégager une relation sereine et harmonieuse. C'est peut-être aussi cette écoute qui a permis à la médecine chinoise de se développer au cours des siècles en s'adaptant à l'époque et aux conditions particulières de chaque lieu.

    Entrevue du Docteur HE

    Le Docteur HE exerce la médecine dans le petit village de Baishan, à côté de Lijiang, dans le nord de la province du Yunnan. Il a un dispensaire fréquenté par les gens du pays, mais également par des étrangers venus de loin pour faire la connaissance de ce docteur sorti des légendes de la Chine, parcourant depuis plus de 40 ans les montagnes à la recherche des plantes bénéfiques.

    D'AMES & D'HOMMES : Docteur HE, vous êtes connu de très loin comme le médecin de la montagne enneigée de jade. Vous avez soigné des gens de tous les pays. Pouvez-vous nous dire comment vous avez débuté dans la médecine chinoise ?
    Dr HE : Je ne me suis pas tout de suite intéressé à la médecine : J'ai d'abord fait des études d'ingénieur dans une autre province. Une maladie grave m'a ramené à la maison malgré moi. C'est alors que j'ai découvert la médecine chinoise, sa longue tradition, la richesse de sa pharmacopée, surtout ici dans le Yunnan où poussent des centaines de plantes médicinales. Pour moi, c'était la seule solution pour m'en sortir. J'ai traversé beaucoup d'épreuves pour me soigner, mais par là, j'ai reconnu l'efficacité des traitements que je recevais, et j'ai commencé à m'y intéresser de plus près. Quand je fus rétabli, j'ai pris la résolution de me consacrer à cette médecine qui m'avait guéri, mais aussi qui enseignait le respect de la nature, du corps humain, tout en lui offrant une vie plus riche.

    D'AMES & D'HOMMES : Vous restez dans ce petit dispensaire vétuste et vous ne demandez pratiquement pas d'argent pour vos consultations. Pouvez-vous nous parler de votre conception de la médecine et de la relation avec les malades ?
    Dr HE : J'ai été moi-même un malade, et j'ai ainsi pu connaître les interrogations, les doutes, les désirs des patients quand ils sont dans la douleur. Je suis devenu médecin d'abord pour aider les autres. J'ai essayé de partager leurs souffrances et leurs sentiments. Je pense qu'un médecin c'est aussi un ami : Pendant que l'on soigne se créée une relation très particulière, dans laquelle la confiance est essentielle. Pour cela je n'ai pas voulu rendre l'acte médical un acte purement technique, mais privilégier d'abord la relation. Pour cela, je soigne gratuitement beaucoup de patients assez démunis. Je vis très simplement avec les gens que je reçois, mais la vraie richesse de la vie n'est pas là. Maintenant, des gens viennent me voir de tous les endroits du monde, mais je n'ai rien changé à ma façon de vivre.

    Actuellement, on considère la médecine comme quelque chose qui fait disparaître la maladie, mais le but est surtout de retrouver un équilibre entre le corps, les émotions et l'esprit. Je sais que c'est aussi une question que se posent beaucoup d'occidentaux, à savoir comment équilibrer sa vie avec le respect de la santé et de la relation corps-esprit. Pour cela, le médecin doit aussi être un exemple pour les autres. Il soigne par sa technique, mais c'est sa vertu qui rend sa technique efficace. Je dirais même que la vertu est le plus haut stade de la médecine. Elle en représente la quintessence. La médecine chinoise apprend justement à vivre harmonieusement dans son corps et aussi avec son entourage, la nature. C'est cela que j'ai essayé de montrer à travers ma pratique quotidienne.

    D'AMES & D'HOMMES : Comment voyez-vous l'avenir de votre cabinet, l'avenir du développement de la médecine chinoise ?
    Dr HE : La médecine chinoise constitue un trésor de notre culture. Même ici, où je reçois des gens du pays, mais aussi beaucoup d'étrangers qui ne viennent pas forcément pour se faire soigner : Ils cherchent autre chose, plus relié à l'humain, une relation sincère, un échange véritable.

    Ici devient un lieu de culture où l'esprit peut s'échanger. La médecine chinoise n'apprend pas seulement à guérir les maladies. Elle ne considère pas le corps comme une machine qu'il suffit de réparer quand elle se casse. Le corps est aussi au-delà des mécanismes. C'est un ensemble reliant les émotions (les sentiments), l'esprit, avec les énergies qui nous animent. La médecine chinoise cherche à préserver l'équilibre de l'ensemble. La sagesse y est autant enseignée que la pratique médicale. Par cela, elle ne se démode pas, au contraire, alors que les techniques médicales changent sans cesse. On constate d'ailleurs que c'est une des médecines traditionnelles qui a le mieux "résisté" au développement de la médecine occidentale. Loin de la faire disparaître, la médecine moderne a plutôt stimulé une nouvelle approche de l'équilibre dans la société contemporaine. Je pense donc que la médecine chinoise va continuer à se développer, d'autant plus que nombre de maladies modernes sont justement dues aux déséquilibres des rythmes ou des relations corps-esprit. Beaucoup de chercheurs occidentaux viennent ici étudier les effets de nos plantes médicinales et comparer les résultats des traitements. Je pense que cette ouverture est profitable.

    Je pense aussi qu'une médecine globale, respectant l'origine des différentes maladies, offre une souplesse et une adaptation qui sont bénéfiques pour l'être humain.

    En occident aussi se développent maintenant beaucoup de médecines naturelles que les gens prennent soit seuls, soit en les combinant avec les médicaments.

    L'élément le plus important pour moi est l'esprit. Le plus bénéfique dans le traitement est la relation humaine riche, associée avec le recherche des vraies causes de la maladie.

    D'AMES & D'HOMMES : Dr HE, vous allez dans la montagne enneigée pour chercher vous-même les plantes médicinales. Y a-t-il des recherches scientifiques sur les propriétés de ces plantes ?
    Dr HE : Les plantes médicinales sont très variées et très riches, surtout dans notre province, que l'on appelle le "Royaume des plantes", où se trouvent la moitié des plantes médicinales de la pharmacopée chinoise. A chaque saison, je cherche des plantes ou des parties de plantes nécessaires aux préparations : Par exemple, les fleurs et les racines à la fin de l'été, les feuilles d'arbre pendant l'été…

    On recherche les plantes traditionnelles, mais aujourd'hui, on découvre de nouvelles plantes que l'on étudie pour essayer de soigner les maladies modernes. Cette recherche se développe avec des équipes de médecins étrangers. Nous espérons que de plus en plus d'organisations étrangères pourront participer à cette recherche sur les plantes médicinales dans laquelle se trouve peut-être la clef du traitement de certaines maladies graves.

    La médecine chinoise est vraiment une médecine de l'expérience. Un de nos proverbes dit : "Quand un médecin est formé, il peut utiliser tous les éléments de la nature pour soigner les maladies". Ainsi notre médecine a constamment évolué par l'utilisation de plus en plus riche des éléments naturels qui nous entourent. Je pense que la nature offre tout ce qu'il faut pour nous soigner, car il y a un rapport d'équilibre entre l'être humain et la nature. Selon les saisons, les époques, la nature se transforme sans cesse et l'homme doit constamment s'adapter, en recréant toujours le lien qui l'unit à son milieu. C'est cela, nous recherchons plus à enrichir ce lien avec la nature en suivant notre évolution, qu'à remplacer le modèle naturel, source de notre vie.

    Dominique CASAYS
    Dominique CASAYS est président-fondateur de la Fédération Française des Associations de Qi Gong. Il dirige, avec son épouse Ke Wen diplômée de l'Institut de Médecine Traditionnelle de Yunnan, l'association "Les Temps du Corps" qui vise au développement du Qi Gong. Ils organisent depuis 1994 le colloque international sur le Qi Gong à Paris, avec le concours de l'UNESCO et du Ministère de la Santé de Chine.

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